L’abeille mellifère, qui est l’abeille domestique que l’on connaît bien parce qu’on l’élève pour produire du miel, est durement affectée par de nombreuses maladies. La loque américaine est une maladie dévastatrice qui se traduit souvent par la destruction complète des ruches infectées. Ses spores se propagent avec une efficacité ahurissante. Les bactéries responsables de la loque américaine peuvent demeurer présentes dans une ruche pendant plusieurs décennies sans causer de problèmes, mais une fois que la colonie est perturbée par un facteur de stress externe, elle devient alors susceptible à la maladie. La loque américaine laisse alors derrière elle les larves de la colonie putréfiées et visqueuses ainsi que des apiculteurs découragés.
Il y a de l’espoir à l’horizon, car un vaccin pour lutter contre la loque américaine est actuellement en cours d’essai aux États-Unis. La méthode est beaucoup plus simple que ce que l’on pourrait imaginer. L’immunité se partage à toutes les larves d’une manière efficace et directe ; par la reine de la colonie. Le processus débute avec l’ajout d’une concentration importante de bactéries mortes de la loque américaine au « candi », duquel on nourrit les abeilles ouvrières. Ces dernières le transforment en gelée royale contenant des fragments de la bactérie désactivée, qui sont alors inoffensifs. Comme d’habitude, les ouvrières nourrissent la reine de la colonie avec de la gelée royale. Une fois les fragments ingérés, la reine y développe naturellement une immunité à l’aide de ses défenses biologiques internes. C’est donc la défense immunitaire naturelle de l’abeille domestique qui est activée dans ce processus. Elle transmet ensuite à sa progéniture l’immunité acquise lorsqu’elle lui donne naissance. C’est seulement depuis 2014 que nous savons que le transfert d’information immunitaire d’une génération à l’autre est possible chez les abeilles domestiques. On appelle ce transfert de l’immunité « l’amorçage immunitaire transgénérationnel ». Ce phénomène permet à l’entièreté de la nouvelle génération de la ruche d’être mieux préparée à affronter la maladie bactérienne.
Un projet de recherche conjoint
C’est un projet de recherche résultant de l’association entre le Collège des Sciences agricoles et environnementales de l’Université de Géorgie et la compagnie Dalan Animal Health qui a mené au développement du vaccin. La gestionnaire des opérations chez Dalan Animal Health, Nichole Hoffman, a confirmé que le vaccin est présentement soumis au processus d’homologation de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). « Nous espérons le rendre disponible aux apiculteurs et apicultrices canadiens dès 2024 », précise Mme Hoffman.
Un premier vaccin pour insectes
Vous n’avez jamais entendu parler des vaccins pour les insectes auparavant ? C’est normal, il s’agit en fait du premier vaccin pour insectes mis sur le marché. C’est donc un développement important, parce que cela pourrait être la grande première d’un outil agricole qui sera répandu dans le futur. Ce sont, pour l’instant, des antibiotiques qui sont utilisés dans les ruches. Leur efficacité est toutefois variable et leur utilisation répétitive peut entraîner des problèmes. Maintenant que nous savons que les insectes peuvent acquérir une immunité à l’aide de vaccins, cela ouvre la porte à de nouvelles possibilités.
Pourquoi mettre autant d’efforts dans la conception d’un tel vaccin ?
La Fédération des apiculteurs du Québec estime que « 70 % des espèces végétales cultivées sont dépendantes de la pollinisation ». De nombreuses cultures, notamment celles des pommes, des bleuets et des canneberges, dépendent fortement de l’utilisation des abeilles domestiques pour atteindre des rendements adéquats. Sans elles, il serait difficile de produire autant de fruits que nous le faisons actuellement et surtout, d’obtenir des fruits de la taille et du format voulu. Elles sont, sans aucun doute, essentielles à nos habitudes alimentaires actuelles.
Un apiculteur expérimenté souligne néanmoins que : « Le mieux sera toujours de mettre en place des méthodes préventives aux maladies ».
Ce vaccin n’est pas un miracle en soi et ne pourra pas sauver les abeilles de tous les maux qui les menacent. En effet, au moins une douzaine de maladies et de parasites constituent une menace réelle pour la survie des abeilles. Ce vaccin pourrait être un outil supplémentaire dans la trousse des apiculteurs et des apicultrices. La perte d’habitats et notamment, l’impact des pesticides dans l’environnement, restent de grandes causes qui se cachent derrière la diminution tragique des populations d’abeilles.